Beaucoup l'attendaient, le récit de cette naissance toute en douceur dans le nid familial.
Eh bien le voici... avec 4 semaines de retard, je sais...
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Jeudi le 1er janvier.
Après plusieurs jours cloîtrés chez nous à cause de la proximité de ma date prévue d’accouchement, je n’en peux plus. Aucune contraction, je me sens bien et surtout, j’en ai ma claque d’être enfermée dans mon appartement. On décide donc de s’inviter à souper chez mes beaux-parents, à 45 minutes de voiture de la maison. Au mieux, qu’on se dit, l voyage déclenchera le travail, on ira dire bonjour et on reviendra pour accoucher. Au pire, il ne va rien se passer mais au moins, on aura un peu fêté la nouvelle année.
Le voyage se passe bien. J’ai ma première contraction en montant la côte toute gelée et bosselée qui mène à la maison de mes beaux-parents. À partir de ce moment, les contractions reviennent, plutôt espacées mais constantes quand même tout au long de la journée. D’ailleurs, plus le temps passe et plus je commence à ressentir qu’elles sont efficaces : bébé s’engage doucement dans mon bassin, la marche devient plus laborieuse et m’asseoir devient presque impossible.
Après le souper, on repart. On s’arrête en chemin chez une de mes tantes, chez qui il y a une soirée pour le Nouvel An. Mes contractions s’arrêtent mais je sens quand même le bébé qui s’enfonce de plus en plus dans mon bassin. Tout le monde trouve mon ventre bien bas et on se moque un peu de ma façon de m’asseoir… Le bébé est tellement bas qu’il m’est impossible de m’asseoir… je me pose simplement les fesses sur le bout de ma chaise en restant le plus droite possible. À 23 heures, on s’en retourne à la maison. À peine assise dans la voiture, les contractions reprennent, toutes les 5 minutes, cette fois.
Une fois chez nous, je prend une douche et je vais me mettre au lit. Les contractions s’espacent mais demeurent constantes. Je ne dors pas très bien. À 3h, je me lève et m’en vais écouter la télévision, pour éviter de déranger Antoine dans son sommeil. Les contractions reviennent à chaque 4 minutes. Je sais dans mon for intérieur que c’est parti, que ça ne va plus s’arrêter. À 5h, je contacte la sage-femme. On discute un instant. Elle sera là dans une heure, peut-être un peu plus. Je dois la rappeler s’il y a urgence.
Elle arrive un peu après 6h. Je ne suis pas en travail actif. Ça, je le sais… à mes deux autres grossesses, je suis entrée en travail actif seulement une fois que la poche des eaux a été rompue, après quoi la naissance est très vite arrivée. C’est d’ailleurs ce que j’explique à Trista. On s’installe dans la chambre pour un premier examen. Le cœur du bébé bat très bien. Sa tête s’est engagée mais demeure mobile, un peu flottante. Mon col en est à 4cm, presque 5. Pour moi, aucun doute : c’est parti.
Tout de suite après, j’appelle ma mère pour qu’elle vienne. Mes contractions ont stoppé mais je sais (je sens) que c’est parce que les enfants sont sur le point de se lever et qu’il n’y a personne pour en prendre soin. Je vais m’étendre dans ma chambre. Trista se repose sur le futon et Antoine écoute la télévision.
Florane et Antonin se lèvent. Je leur sert à déjeûner. Florane est déjà fébrile, elle sait pourquoi Trista est là. Je lui confirme que c’est aujourd’hui que son petit frère ou sa petite sœur va arriver.
Ma mère et son conjoint arrivent un peu avant 8h. Presque instantanément, les contractions reprennent où elles m’avaient laissé. Avec Trista et Antoine, on discute à savoir si on intervient ou pas, si on rupture la poche des eaux maintenant. On convient tous les trois que non. Trista semble hésiter à intervenir. Antoine lui, aimerait voir jusqu’où on peut se rendre « seuls ». Malgré ma hâte et ma conviction que ça y’est, que c’est bon, j’accepte d’attendre. Au fond, moi aussi j’aimerais voir si je peux y arriver sans aide.
Pendant l’avant-midi, je prend quand même quelques moyens plus « naturels » pour accélérer les choses… Je tire mon lait, prend des tisanes. Je me promène beaucoup dans l’appartement. Un peu avant 10h, j’atteins 6cm. La bonne nouvelle m’encourage : je progresse par moi-même. Du coup, ça me motive à continuer sans rupturer les membranes. Trista me considère encore en latence, mes contractions sont toujours assez irrégulières, aux 4, 5 ou 6 minutes. Leur intensité ne change pas, ni leur longueur.
Elle commence quand même à réarranger sa journée. Je l’entend parler d’une visite à domicile qu’elle devait faire et je lui propose d’y aller. Je lui dit qu’elle peut nous laisser pour une heure ou deux, puis revenir et qu’entre temps, s’il y urgence on va la rappeler. Elle installe quand même tout son matériel dans la chambre, pour que tout soit prêt pour son retour. Ensuite, elle nous laisse.
Antoine téléphone à sa mère : c’est elle qui doit s’occuper des enfants, ma mère, elle, assistera à la naissance. Se passent quelques heures pendant lesquelles ma belle-mère arrive. Ma grand-mère et son mari viennent aussi le temps d’un instant, ils sont sur leur départ pour Québec. Ils ne restent pas longtemps, ma grand-mère voit bien que je contracte régulièrement et décide de ne pas s’attarder. Je prend une douche, mange un bol de soupe aux légumes, essaie diverses positions pour faciliter le travail… je reste active dans la maison, me promenant de pièce en pièce, regardant les enfants jouer. Je vais même sur internet annoncer à mon entourage que c’est pour aujourd’hui.
À 14h, Trista reviens. Mes contractions sont plus fortes. À l’examen, je suis à 7cm. La poche des eaux est très bombante. On discute et tous les trois (avec Antoine) on décide d’intervenir maintenant, de sorte que bébé sera là pour le souper. Trista veut quand même que l’autre sage-femme arrive avant qu’on perce les membranes. J’accepte parce que je sais que ça peut arriver très vite ensuite.
En attendant, je m’installe à califourchon sur une chaise devant la télévision. J’y reste très peu longtemps. Bientôt, je ressens cette envie d’aller m’isoler, d’aller m’étendre et geindre tranquille dans mon coin. Je m’en vais dans ma chambre, dans mon lit.
À ce moment, Antoine est au salon. D’ailleurs, il passe très peu de temps « avec moi », sinon de temps en temps, il passe pour me masser et changer mes compresses chaudes. Florane passe de plus en plus de temps à mes côtés, elle doit sentir que la naissance est imminente. D’elle-même, elle a compris que lorsque je ferme les yeux, elle ne doit pas me parler ou me déranger. Trista est dans la chambre, assise sur un petit banc. Elle « observe ». Florane est assise avec moi sur le lit, sa petite main sur ma cuisse. Elle ne dit rien, pas un seul mot. Elle sourit sans arrêt. Loin de me déranger, je crois que sa présence m’apaise. De temps en temps, en rouvrant les yeux, je surprend le regard attendri de Trista sur ma fille.
À 16h, Sinclair (la deuxième sage-femme) est là depuis un moment déjà. Mes contractions sont fortes, rapprochées. Je demande à Trista de m’examiner encore et de rompre la poche des eaux. Je commence à être très fatiguée, j’ai envie d’en finir. Mon col est presqu’à 9cm. La poche est très bombante, elle éclate rapidement. Sinclair presse un peu sur mon ventre pour que le bébé descende sans que le cordon passe devant. Trista me dit que mon col s’est un peu refermé après la rupture, il est maintenat à 6+cm. Mais c’est normal, ça arrive… Et une fois assurée que la tête bloque bien le passage, on me laisse tranquille. Florane est sortie pour l’examen et ne reviendra que pour la poussée. Antoine reste à mes côtés.
La demi-heure qui suit me semble (avec le recul) avoir duré bien plus longtemps. Je me souviens avoir somnolé. Avoir dit à Trista que si, dans toute la journée, je me serais attendu à pouvoir dormir, ce n’était sûrement pas à cet instant précis. Il a dû se passer un bon 20 minutes entre la rupture des membranes et la contraction suivante. À un certain moment, je me met à avoir terriblement froid. Je frissonne, je grelotte. Heureusement, ça ne dure pas très longtemps.
Puis, les contractions reprennent. Le répit entre chacune est très court. Je n’arrive pas à me lever tellement la douleur me scie… Moi qui voulait accoucher debout ou à genoux : râté ! Je suis sur le côté gauche. J’ai mal, vraiment mal. Je me met à pousser de longues plaintes graves pendant les contractions. J’ai impérativement besoin de chaleur, de massages. Je vomis une fois ou deux. Je pousse sur mon bassin, les deux mains sur mes hanches parce que j’ai l’impression qu’il va éclater. Après 3 ou 4 contractions, je change de côté. Là, enfin, ça me semble un peu plus gérable. Je gémis, je tortille dans le lit pendant les contractions.
Puis, pendant l’une d’elle je sens littéralement mon bébé qui fait un mouvement, une rotation. Le changement rend la contraction très efficace. Ça pousse. Ça pousse beaucoup et vite. Je suis terrifiée : je dois crier pour attirer l’attention de Trista qui travaille à mon dossier, sinon le bébé va venir sans elle ! Je m’écrie « Ça pousse ! » Trista se lève et va chercher Sinclair qui attend dans le salon. Je panique. Je crie à Trista de venir « tout de suite », pas le temps d’aller chercher Sinclair (qui entre dans la chambre en m’entendant, heureusement). Ça été mon seul moment de panique de toute la journée…
Trista s’assois en tailleur au bout du lit, entre mes chevilles. Je me tourne sur le dos autant que je peux. Antoine hésite quelques seconde à nous laisser pour aller chercher Florane parce que ça semble aller très vite. Il se décide finalement à y aller. Ma mère et ma sœur entrent elles aussi. Florane s’installe avec Antoine sur la droite du lit.
Une autre contraction arrive. Ça pousse tellement fort et tellement vite que la seule chose que j’ai en tête c’est de haleter. Haleter parce que j’ai lu quelque part que ça diminue l’envie de pousser et que ça ralentit la sortie du bébé. Alors je respire très rapidement. J’entend Trista dire « C’est beau, Noémi ». La contraction s’arrête un peu mais reprend presque sur-le-champs. Je recommence à halete, encore plus fort, parce que ça brûle. Plus ça brûle, plus je respire vite. J’ai mal. Je pense à haleter… et je pense au soleil. Oui, vraiment, cette brûlure, c’est comme être assise sur un soleil. Pendant une petite fraction de seconde, la brûlure diminue : la tête est enfin sortie. Puis ça reprend… une épaule, une autre épaule…
Je « plonge » carrément entre mes jambes et vais cueillir mon bébé. Un beau bébé tout rose, tout propre. En le remontant sur moi, je vois que c’est un garçon. Je ne peux m’empêcher de le dire tout haut (je voulais que Florane nous l’annonce). Je pleure, je l’essuie avec Sinclair qui change les couvertures pour des nouvelles, toutes propres et chaudes. Je regarde mon fils. Il est tellement beau. Il ressemble à sa sœur lorsqu’elle est née. Je le respire autant que je peux, son odeur est enivrante, vraie… l’odeur de la naissance. Je pleure, il est tellement petit. Ma mère n’arrête pas de me contredire « il est plus gros que Florane et Antonin, je te dis… » (et elle a raison).
Trista me fait sentir le cordon, qui palpite encore. C’est bizarre, à mesure que la pulsation diminue, le cordon devient de plus en plus mince. On attend une dizaine de minutes, puis on le clampe et Antoine le coupe. Florane est inquiète. La naissance ne l’a pas troublée le moins du monde, mais le cordon… je lui explique que ça ne fait pas mal, que c’est comme coupe les ongles. Florane monte me rejoindre. On me fait ensuite pousser pour le placenta.
La suite est plutôt vague dans ma tête. Je me souviens avoir respiré mon fils comme c’et pas possible. Sentir son odeur de « neuf ». Je me souviens l’avoir serré fort contre moi, en pleurant et en disant « un garçon, un autre petit garçon… ». Je me souviens qu’on a passé un petit moment ensemble tous les 5, assis sur le lit, à manger des fruits que les sages-femmes avaient préparés pour nous.
Je me souviens m’être levée pour aller aux toilettes pendant que ma mère savourait ses premiers instants avec Lionel dans les bras. Je sais qu’en revenant dans la chambre, j’ai téléphoné à mon père pour lui dire que le bébé était enfin là. Puis aussi à mon travail, mes collègues l’attendaient tellement elles aussi. Je me souviens avoir aidé Trista à le peser, à le mesurer, à lui faire tous les examens. La vitamine K. Non, pas d’onguent dans les yeux, merci. Non, pas de vêtements non plus, juste une couche, on veut faire du peau à peau toute la nuit…
Quand elles sont reparties, quelques heures après la naissance, les sage-femmes avaient fait le ménage de la chambre, changé les draps, préparé à manger… Il ne restait plus de trace de la naissance, ou si peu.
Ma mère est partie avec Antonin et Florane pour la nuit.
Antoine et moi nous sommes retrouvés seuls, avec notre petit garçon tout neuf et encore sans nom. Au bout d’un moment, on s’est regardé, tous les deux. Comme si on venait de prendre conscience de ce qui venait d’arriver. « Te rends-tu compte, on a eu un bébé, aujourd’hui », que je lui ai dit. Il m’a sourit. La naissance s’est fait tellement en douceur qu’elle s’est glissée tout naturellement dans la journée. La plus belle preuve que vraiment, ça fait partie de la vie. La vie qui coule dans la vie… tout simplement.
C'est le souvenirs que j'en garde... que tous ceux qui étaient présent gardent.
Plus jamais, accoucher à l'hôpital...
3 commentaires:
Noémi, ton récit est si beau, si empreint d'amour, de douceur, de vie. Merci d'avoir partagé ton accouchement de Lionel avec nous, avec moi. Félicitations encore pour ton nouveau petit trésor.
Danielle
xoxoxo
Depuis que j'ai entendu Claude en parler vendredi dernier, j'avais si hâte de lire ce récit écrit de ta plume...
Merci chère amie de nous permettre de partager ce formidable voyage avec toi. J'ai certainement versé quelques larmes et je suis tellement heureuse pour vous cinq.
Thanks for sharing noemi! I think I had a tear when you said: I wanted Florance to announce the baby.
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